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Les mécanismes de défense au sein de l'équipe dirigeante

L’équipe, qu’elle soit de direction, de projet, de management ou toute autre, est confrontée à des moments de tension, de stress, de crise. Cela fait partie de sa vie. Parlons de l’arrivée d’un nouvel entrant, du départ de l’un des membres, de l’émergence d’un désaccord, d’une tension venue de l’environnement extérieur, du retard dans un projet, d’un conflit d’objectifs, d’un échec important, etc.

Le simple fait de « faire équipe », et donc d’appartenir et de partager, implique de développer des nouveaux modes de relation avec les autres. Cette expérience n’est pas anodine : travailler ensemble n’est pas travailler seul. La participation à un projet commun suppose que l’on se découvre les uns vis-à-vis des autres, que l’on confronte des points de vue, que l’on prenne le risque d’être nié, critiqué, ou à l’inverse valorisé, idéalisé. Dans ce contexte où l’on se trouve au milieu du groupe, ou face au groupe, chacun réagit différemment à la tension, au conflit ou à la crise : avec plus ou moins d’aisance, de maturité, et d’efficacité.

Dans l’accompagnement des équipes, nous sommes observateurs de ces attitudes de réaction, ou plus exactement de ces changements d’attitudes. Cette observation est essentielle : elle permet de comprendre la personnalité du collectif avec lequel nous travaillons, les situations auxquelles l’équipe est confrontée, et la façon dont la dynamique collective est impactée. Elle permet aussi d’objectiver, de prendre du recul par rapport à certaines réactions individuelles et/ou collectives. Analyser la façon dont l’individu et le collectif réagissent en situation de stress donne des indications précieuses sur les personnalités et sur la dynamique collective.

Nous proposons de lister ci-dessous des exemples d’attitudes que l’on nomme parfois « refuges » en Analyse Transactionnelle, ou plus classiquement « mécanismes de défense ». Il est important de noter que les défenses, et les attitudes qui leur correspondent, sont d’abord des expressions individuelles : c’est l’individu qui réagit au sein du groupe, qui adopte une attitude nouvelle lorsqu’il est confronté à une situation source de tension. Mais, par effet d’écho, ces attitudes individuelles tendent à prendre une dimension collective qui va structurer les relations interpersonnelles au sein de l’équipe.

·       Les attitudes d’attaque (l’individu affronte la source de tension ou de stress, il est dans l’offensive) :

o   La dérision : certains membres de l’équipe tournent les sujets en dérision, rient de façon exagérée ou hors de propos, se moquent de ce qui est dit

o   Celui qui représente l’autorité (le dirigeant, l’animateur de la réunion, le représentant de l’institution) est attaqué, critiqué, mis en défaut

o   Le scepticisme ou le cynisme : les objectifs de travail sont remis en question, ou bien les points d’accord initiaux. Ou bien, la sincérité ou la participation de certains membres est mise en doute, un collègue est agressé verbalement

o   Le défi : certains membres du groupe font comme si les règles et le cadre n’existaient pas, transgressent les interdits (retards, appartés, activités parallèles telles que emails, sms, etc.)

·        Les attitudes de fuite (l’individu cherche à s’éloigner ou à fuir la source de tension) :

o   L’intellectualisation : des discussions générales ou théoriques sont engagées

o   Le retrait : les personnes se replient sur elles-mêmes, dans le silence

o   La ritualisation : les personnes se réfugient dans des rituels qui, manifestement, prennent le pas sur les vrais sujets

o   Les projections : certaines personnes prêtent à d’autres des intentions, des attitudes inappropriées, et ce de façon injustifiée

§  Avec les projections, on trouve le clivage : une partie de l’équipe subit les projections négatives du reste du groupe

o   La recherche du leader-sauveteur : le groupe se comporte comme si le dirigeant devait le prendre en charge, et trouver seul une solution à la situation de tension rencontrée

o   La fusion, assez proche du précédent : le groupe se met en conformité, se soumet à l’autorité, se referme sur lui-même en se concentrant sur le la force du lien

·       Les attitudes de manipulation (l’individu cherche à manipuler les autres pour faire diversion) :

o   L’emprise : l’individu cherche à dominer les autres membres du groupe pour se protéger lui-même

o   Les alliances : des collusions apparaissent, contre un « ennemi commun », ou un «bouc émissaire »

o   Le sauvetage : un membre du groupe vient au secours d’un autre, en attente d’une réciprocité

o   L’attention du groupe se focalise sur une seule personne.

Que faire lorsqu’on observe ce type d’attitude en tant que coach d’équipe ?

Si l’observation est importante, le recul par rapport à l’observation l’est plus encore. Le coach d’équipe est lui-même présent, et donc acteur de ce qui se passe, qu’il le souhaite ou non : il peut être la source de tension, par sa présence, par son attitude, par ses propos ; ou une source complémentaire de tension en plus d’une autre, principale ; il peut être lui-même impacté par la source de tension, et pris dans le mouvement collectif de défense. Il est donc important de se poser les questions de base suivantes : que se passe-t-il ? que se passe-t-il vraiment ? en quoi les attitudes ont-elles changé, sont-elles différentes de ce que je connaissais jusqu’ici ? qu’est-ce que je ressens moi-même ? quel est le contexte, quelle est l’actualité, quels sont les impacts possibles ? qui réagit, de quelle façon ?

Il est utile de prendre une position « méta », d’observer le groupe dans sa globalité, d’écouter le « bruit général » en se détachant de ce qui est exprimé de façon explicite pour se concentrer sur l’implicite, sur les ruptures (de vocabulaire, d’attitudes, d’interactions). On pourrait parler de pleine conscience : être dans l’instant, à écouter, observer, ressentir, en ayant conscience de ce que cela provoque en soi et en faisant la part des choses.

Au-delà de l’observation, la posture à adopter par le coach dépend bien sûr du contrat. Pourquoi le coach est-il là, quel est son mandat, quel cadre a été posé ? Il peut être, selon les cas, amené à dire ce qu’il voit et entend, à aider le groupe à prendre conscience des attitudes de défense et à travailler sur les raisons objectives de ces défenses pour être en mesure de mieux gérer ce qui est le vrai problème, c'est-à-dire la cause du stress généré, l’évènement déclencheur. Il peut garder pour lui ce qu’il observe et l’utiliser pour ajuster sa stratégie d’accompagnement, en tenant compte du niveau de maturité du groupe et de chacun de ses membres. Il peut être amené à redonner du cadre, à confronter, à provoquer une prise de conscience, à apporter une méthode de traitement du problème originel. Et bien d’autres choses encore.

Fanchic BabronComment